Invisible, mais vitale : la mise à la terre est l’un des piliers fondamentaux d’une installation électrique sûre et conforme. Elle garantit que tout courant de défaut dispose d’un chemin de retour adapté, qu’il s’agisse du sol ou d’un conducteur de protection, évitant ainsi les électrocutions, les incendies et les dysfonctionnements d’équipements.
Obligatoire dans toutes les installations neuves ou rénovées, la mise à la terre est encadrée par la norme NF C 15-100. Mais derrière cette obligation se cachent des enjeux techniques et des choix de mise en œuvre qui varient selon les contextes : logement, tertiaire, industrie ou milieu médical.
Selon l’usage, on privilégiera la sécurité des personnes avec une coupure immédiate… ou, au contraire, la continuité de service, même en cas de défaut.
Dans cet article, Lyndra-LGI explore les principes clés de la mise à la terre, les schémas normalisés (TT, TN, IT), ainsi que les bonnes pratiques de réalisation et de maintenance. Un guide essentiel pour concevoir des installations à la fois conformes, fiables et adaptées à chaque usage.
Schémas de mise à la terre : TT, TN, IT… à chaque besoin sa solution
La norme NF C 15-100 définit plusieurs schémas de liaison à la terre (SLT), chacun adapté à un type d’environnement et à des exigences de sécurité spécifiques. Le choix du schéma a un impact direct sur la protection des personnes, la continuité de service et les modes de détection des défauts.
Dans ces schémas, la première lettre définit la connexion à la terre du neutre du transformateur qui alimente l’installation. La deuxième lettre définit la connexion à la terre des masses métalliques de l’installation. Vous pouvez consulter les schémas sur le site electrical installation.
🏠 Le schéma TT : sécurité par coupure
C’est le schéma le plus courant dans le résidentiel et le petit tertiaire.
- Le neutre du transformateur est relié à la terre (T)
- Les masses métalliques sont reliées à la prise de terre du client
- En cas de défaut, un disjoncteur différentiel 30 mA coupe l’alimentation instantanément
Avantages :
- Simplicité de mise en œuvre
- Très bon niveau de protection des personnes
Inconvénients :
- Coupure immédiate au moindre défaut : pas de continuité de service
- Coût des dispositifs différentiels
🏢 Le schéma TN : protection centralisée
Utilisé dans les bâtiments tertiaires, ERP et installations plus complexes.
- Le neutre du transformateur est relié à la terre
- Les masses sont reliées à ce point neutre via un conducteur de protection
3 variantes existent :
- TN-C : conducteur de protection et conducteur de neutre confondus en un seul conducteur (PE-N)
- TN-S : conducteur de protection (PE) et conducteur de neutre (N) séparés
- TN-C-S : combinaison des deux
Avantages :
- Réglage des protections facilité par une meilleure prédictibilité du courant de défaut
- Différentiels et CPI non obligatoires
Inconvénients :
- Coupure immédiate au moindre défaut : pas de continuité de service
- Risque de rupture du conducteur de protection en TN-C
🏭 Le schéma IT : priorité à la continuité de service
I car le neutre du transformateur est isolé de la terre via un contrôleur permanent d’isolement (CPI). Les masses sont reliées à la terre.
Ce schéma est indispensable dans les environnements où l’alimentation ne doit pas être interrompue :
- Hôpitaux (blocs opératoires, soins intensifs…)
- Process industriels
- Systèmes informatiques critiques
Caractéristiques :
- Le neutre est isolé de la terre (ou, plus rarement, connecté via une impédance)
- Les masses métalliques sont reliées à une prise de terre classique
En cas de défaut phase-terre, aucune coupure immédiate. Un système de surveillance (ISOM ou Contrôleur Permanent d’Isolement) détecte le défaut pour une intervention rapide
Avantages :
- Pas de coupure au premier défaut
- Idéal pour les installations sensibles
Inconvénient : nécessite un Contrôleur Permanent d’Isolement (CPI).
Mise à la terre : principes et obligations
La mise à la terre est un élément fondamental de toute installation électrique. Elle permet de canaliser les courants de défaut vers le sol, afin de protéger les personnes contre les chocs électriques et les équipements contre les dommages.
🧭 À quoi sert la mise à la terre ?
Lorsqu’un appareil présente un défaut d’isolement (fil dénudé, humidité, contact accidentel…), le courant peut fuir vers la carcasse métallique. Sans mise à la terre, cette carcasse devient dangereusement conductrice.
La terre, reliée à un conducteur de protection, offre un chemin de moindre résistance pour ce courant. Résultat :
- le disjoncteur différentiel (dans le cadre d’un schéma TT) se déclenche immédiatement ;
- le danger est supprimé ;
- l’installation est sécurisée.
C’est le principe de protection indirecte.
📏 Ce que la norme impose
La NF C 15-100 exige que toutes les masses métalliques d’un bâtiment soient reliées à la terre. Cela inclut :
- les canalisations métalliques (eau, gaz, chauffage) ;
- les éléments de structure (poutres, armatures béton) ;
- les huisseries métalliques, baignoires, chaudières, etc. ;
- les appareils électroménagers via les prises avec broche de terre ;
La connexion se fait via une liaison équipotentielle principale. Elle est obligatoire et part du tableau électrique ou d’une borne dédiée.
🔍 Résistance de la prise de terre : une valeur clé
La prise de terre, c’est un peu comme une issue de secours pour le courant. En cas de problème (fuite de courant, défaut d’isolement), l’électricité doit pouvoir s’échapper rapidement et sans résistance vers le sol. Pour que cela fonctionne, la « sortie » doit être la plus facile possible.
C’est là qu’intervient la notion de résistance de terre.
La résistance de la prise de terre mesure à quel point le courant peut « passer » facilement vers le sol. Elle s’exprime en ohms (Ω). Et dans ce cas, moins il y en a, mieux c’est.
Pourquoi ? Parce que si la résistance est trop élevée, le courant ne passe pas bien, et les dispositifs de protection (comme les disjoncteurs différentiels) ne réagissent pas à temps. C’est comme une alarme qui ne sonne pas assez fort.
Des valeurs à viser
Voici des repères concrets à retenir :
- ≤ 166 ohms : c’est la limite maximale pour que le disjoncteur différentiel 30 mA (obligatoire) déclenche correctement ;
- < 100 ohms : conseillé pour une protection plus fiable, notamment en environnement humide ou ancien ;
- < 10 ohms : indispensable si un parafoudre est installé (car il a besoin d’une terre très efficace pour évacuer l’énergie) ;
- < 1 ohm : exigé pour les installations industrielles sensibles ou les postes de transformation.
- Intervention obligatoire avant un second défaut (sinon risque accru)
Bonnes pratiques de mise en œuvre
Mettre en œuvre une protection contre les surtensions et une mise à la terre ne s’improvise pas. Respecter les normes, c’est essentiel. Mais bien appliquer les règles sur le terrain, c’est ce qui garantit une installation durable et efficace.
🔄 Boucle ou piquet ? Choisir la bonne solution
Boucle en fond de fouille
C’est la solution recommandée pour les constructions neuves. Elle consiste à enterrer un câble de cuivre nu (25 mm²) tout autour de la maison, dans la tranchée des fondations, avant coulage du béton ou du dallage.
En neuf, elle est généralement posée à environ 60 cm sous le niveau du sol. Cette profondeur est jugée suffisante, car la boucle est :
- intégrée dans une structure protégée mécaniquement (fondation ou sous-dalle) ;
- stable thermiquement, car moins exposée aux variations de températures ou à la dessiccation du sol ;
- en contact direct avec un remblai compacté ou un sol de qualité contrôlée, contrairement à un simple enfouissement en terrain libre.
En revanche, en rénovation (ou si l’on installe une boucle sans fondation), la norme recommande une profondeur minimale de 1 mètre pour :
- garantir une bonne conductivité du sol ;
- éviter les effets du gel ou du dessèchement de surface ;
- réduire les risques d’endommagement mécaniques.
Attention : ces données sont spécifiques au résidentiel ou petit tertiaire ; les besoins industriels nécessitent une étude spécifique.
Piquet de terre
Il s’agit d’un tige métallique enfoncée verticalement dans le sol, généralement près du tableau électrique.
Avantages :
- facile à mettre en œuvre ;
- adaptée en rénovation ou en terrain restreint.
Inconvénient : la résistance dépend fortement de la nature du sol. En sol rocheux ou très sec, plusieurs piquets en parallèle peuvent être nécessaires.
📐 Bien raccorder la terre au tableau
Le conducteur de protection (vert/jaune) doit :
- partir du piquet ou de la boucle ;
- rejoindre la borne principale de terre (souvent dans le tableau) ;
- puis être relié à toutes les masses métalliques de l’installation (prise de terre des circuits, liaisons équipotentielles, etc.).
⚠️ Il doit toujours être accessible et non coupé (pas de domino, pas de repiquage hasardeux). Il faut également respecter la section minimale exigée : 16 mm² en cuivre isolé ou 25 mm² en cuivre nu.
🚿 Cas particuliers
Certaines pièces exigent une attention renforcée :
- salle de bain : mise en œuvre obligatoire d’une liaison équipotentielle locale (reliant tous les éléments métalliques dans la pièce) ;
- cuisine et local technique : attention à la disposition des masses métalliques (cuve inox, chaudière, évier) ;
- structures métalliques du bâtiment : doivent être reliées à la terre si elles sont accessibles ou traversent plusieurs pièces.
Maintenance et vérification de la conformité
Installer une bonne protection, c’est une chose. S’assurer qu’elle reste efficace dans le temps, c’en est une autre. Comme tout système de sécurité, la mise à la terre et les protections contre les surtensions doivent être contrôlées, testées et entretenues régulièrement.
🧪 Mesurer la résistance de la terre
La première vérification à faire est la mesure de la résistance de la prise de terre. Elle permet de savoir si le courant de défaut pourra bien être évacué.
- Elle se fait à l’aide d’un telluromètre, appareil de mesure spécifique
- Elle est obligatoire à la mise en service de l’installation
- En habitation, un contrôle tous les 10 ans est recommandé
- En tertiaire ou milieu sensible (équipements critiques, parafoudre), la fréquence peut descendre à 1 à 3 ans
👉 Astuce : si vous constatez des déclenchements intempestifs ou des équipements qui grillent, vérifiez la terre en priorité.
💡 Tester les dispositifs de protection
Les disjoncteurs différentiels doivent également être vérifiés :
- Appuyer sur le bouton « Test » chaque trimestre
- Vérifier que le déclenchement se fait instantanément
- Remplacer tout différentiel qui ne déclenche plus ou avec retard
🧾 Ce que doit fournir l’installateur
À la fin du chantier, l’électricien doit :
- fournir un schéma unifilaire de l’installation ;
- indiquer la valeur mesurée de la terre ;
- spécifier la présence (ou non) de parafoudres ;
- mentionner les dispositifs de protection utilisés (types, calibres, emplacement).
Ce document sert de base pour les futurs contrôles. Il est aussi indispensable en cas de diagnostic électrique ou de sinistre.
Besoin d’expertise pour sécuriser vos installations électriques ?
La mise à la terre est bien plus qu’une exigence réglementaire : c’est un véritable rempart contre les risques électriques. En permettant l’évacuation des courants de défaut, elle protège à la fois les personnes, les équipements et l’installation elle-même.
Mais encore faut-il adapter le schéma de liaison à la terre (TT, TN, IT) au contexte d’utilisation. Dans un logement, on mise sur la coupure rapide. En milieu industriel ou médical, on privilégiera la continuité de service, tout en assurant une détection fiable des défauts.
Enfin, au-delà du choix du schéma, la qualité de la mise en œuvre est déterminante : bonne résistance de terre, raccordement soigné, liaison équipotentielle conforme… Autant de points à maîtriser pour garantir sécurité et conformité.
Lyndra-LGI vous accompagne dans la conception, le contrôle et l’optimisation de vos systèmes de mise à la terre, en logement comme en milieu professionnel.
📞 Contactez-nous pour un audit, un diagnostic ou une assistance à la mise en conformité.
L'auteur

Yann Ghanty
Directeur général de Lyndra-LGI
Ingénieur en génie électrique
Ingénieur diplômé de l’ENSEEIHT (Toulouse) – Docteur en génie électrique
Ingénieur électricien spécialisé dans la modélisation et la stabilité des réseaux, je mets mon expertise au service de la transition énergétique. Après une thèse de doctorat consacrée à l’intégration des énergies renouvelables dans les réseaux électriques, j’ai travaillé pendant trois ans en bureau d’études. J’y ai conçu des installations électriques pour l’industrie, modélisé leur comportement et vérifié la conformité d’unités de production photovoltaïques et éoliennes.
Certifications :
- CANECO BT
- Certification PV Syst